L’Anachronopète d’Enrique Gasper enfin en version française


Paris by Night, pour Vampire la Mascarade

Paris by night

La littérature est riche de diversité et regorge de chefs-d’œuvre.Et pourtant, certains de ces derniers ne sont pas traduit dans la langue de Molière, même après plus d’un siècle.

Heureusement, les éditions Musidora vont réparer cette erreur historique.

Découverte du projet à travers les mots de Yann Serizel, des éditions Musidora.

Qu’est ce que les éditions Musidora? D’où vient le projet ?

En un sens, on peut dire que c’est un projet qui vient de loin. Lorsque nous étions étudiants au début des années 2000, Nicolas Tellop et moi, nous tirions toujours des plans sur la comète. L’idée de créer une maison d’édition, nous l’avons chatouillée plus d’une fois. L’idée était toujours, pour autant que je m’en souvienne, de rééditer des récits fantastiques rares, d’auteurs que nous découvrions de seconde main chez les bouquinistes ou par des rééditions mais dont les bibliographies devaient receler des pépites encore cachées.

Et puis, il y a deux ans, alors que je cherchais une idée de reconversion professionnelle, l’idée de créer une maison d’édition a refait surface chez moi, très imprécise et un peu folle car je n’y connaissais rien à l’époque. Je n’imaginais pas à ce moment-là m’associer avec Nicolas, mais je m’en suis ouvert à lui pour avoir son opinion. C’était quelques jours à peine avant l’annonce du premier confinement. Il s’est trouvé qu’il en avait lui aussi l’idée. Une idée beaucoup plus précise d’ailleurs, il avait déjà quelques titres en tête, dont L’Anachronopète. Lorsque nous nous sommes quittés ce jour-là, nous étions associés. Il est très possible que si nous ne l’avions pas fait, aucun des deux projets n’aurait vu le jour.

Au final, notre ligne éditoriale est dans la lignée de ce que nous imaginions étudiants. Le cœur en est la redécouverte de textes littéraires rares, méconnus, avec pour maître-mot l’imaginaire, mais dans le sens le plus large. Nous n’entendons pas par là simplement le corpus établi de genres que l’on qualifie de « littérature de l’imaginaire », c’est-à-dire le fantastique, la science-fiction, la fantasy…, ce qui nous intéresse, c’est ce qui relève de l’univers mental de l’auteur, qui parle à celui du lecteur et vient l’enrichir. Cela peut bien sûr être très vaste.

Nous nous intéressons aussi au cinéma et aux arts graphiques. Il ne s’agira pas seulement de publier des livres sur ces sujets, mais aussi de créer des liens entre ces différents axes de notre ligne éditoriale. Par exemple, nous envisageons de découvrir des textes qui sont connus pour leur adaptation au cinéma plus que pour eux-même. Quant au lien avec les arts graphiques, il se manifestera par la publication de livre illustrés. Dans le cas de LAnachronopète, nous n’avions pas à commander d’illustrations originales, nous avons fait restaurer les 49 illustrations d’origine.

D’une manière générale, nous avons à cœur de soigner l’esthétique et la qualité de fabrication du livre. Cela passe bien sûr par les illustrations, mais aussi le soin apporté à la maquette, le choix du papier, etc.

Pourquoi ce nom ?

Le choix du nom pour la maison d’édition a dû représenter au moins six mois de discussions à raison de 35 heures par semaine. À force de brainstorming et d’associations d’idées, nous sommes tombés sur Musidora. C’est une actrice de l’époque du muet qui est surtout connu pour son rôle d’Irma Vep dans le serial Les Vampires de Louis Feuillade, en 1915. Les Vampires, derrière un nom qui évoque le fantastique, c’est une histoire d’organisation criminelle, dans la lignée de Fantômas, c’est la tradition du roman-feuilleton, de la littérature populaire, pleine de chausse-trappe, de mystères, de péripéties. Musidora y apparaît dans une combinaison noire qui a marqué les esprits de l’époque, notamment des surréalistes. André Breton et Louis Aragon ont d’ailleurs écrit une pièce pour elle. Et puis Musidora elle-même était allé chercher son pseudonyme dans la littérature, plus précisément, il s’agit à l’origine d’un personnage de Théophile Gautier dans son roman Fortunio. C’est un personnage d’amante éconduite au profit d’un fantasme, si l’on peut dire.

Il nous a semblé que ce nom pouvait rassembler ce qui fait notre identité, faisait le lien entre littérature et cinéma, évoquait une époque, un genre, un esprit, une sorte de mystère. Et puis, c’est joli. C’est mystérieux et joli.

Qui sont les personnes derrière ce projet ?

Nicolas Tellop et moi-même nous sommes rencontrés pendant nos études de lettres modernes à Lille.

Nicolas est entré dans l’éducation nationale avant de se lancer dans l’écriture. Il a participé à tellement de publications que, pour ma part, je suis incapable de suivre ce qu’il fait. Il a publié des livres sur le cinéma et la bande dessinée (son livre sur les courses poursuites au cinéma comporte d’ailleurs une partie sur Les Vampires), il est rédacteur en chef adjoint de la revue La Septième obsession, rédacteur en chef des hors-série des Cahiers de la BD, il dirige la collection Le Club de la Bande Dessinée aux éditions Aedon… Et il m’assure que parfois il dort, mais je ne le crois pas.

En ce qui me concerne, j’ai suivi différentes voies, je suppose qu’on peut plutôt me considérer comme un touche-à-tout. Ces dernières années, j’ai travaillé comme webmaster, animateur de jeu d’échecs, enseignant… Pendant plus de 10 ans, j’ai donné des cours de culture générale, je crois que cela donne une certaine idée de l’éclectisme qui est le mien.

Pour lancer ce projet, j’ai suivi une formation d’éditeur. Nous avons aujourd’hui, Nicolas et moi, une certaine complémentarité, il a une expérience de terrain et un réseau qui nous permet, entre autres choses, de trouver des collaborateurs, de mon côté, j’ai une connaissance plus théorique qui permet de faire fonctionner la maison d’édition.

Le premier livre édité sera L’Anachronopète. Pourquoi ce choix ?

L’Anachronopète est un livre qui fait date, c’est la première histoire de machine à voyager dans le temps de la littérature et pourtant cela n’avait jamais été traduit en français, nous trouvions qu’il y avait quelque chose de symbolique à commencer par ce livre.

Que raconte ce livre ?

C’est une expédition dans le temps mais aussi autour du monde dont l’inspiration assumée est clairement Jules Verne et qui anticipe déjà tout ce que la science-fiction explorera au sujet des voyages dans le temps. Mais c’est aussi un roman qui se place dans une tradition théâtrale qui est celle de la comédie.

Don Sindulfo est une sorte de vieux barbon qui entreprend (pour une raison aussi sordide que ridicule) de voyager vers le passé à bord d’une machine de son invention, l’Anachronopète. Il est accompagné de sa pupille Clara, de son ami Benjamin et d’une domestique, Juanita. Et d’un certain nombre d’autres personnages d’ailleurs.

Ils vont assister et participer à toutes sortes d’évènements historiques et mythiques, de l’Espagne à la Chine et découvrir, entre autres choses, ce que notre connaissance du passé peut avoir de parcellaire ou d’erronée.

C’est donc un cocktail surprenant d’aventures, de comédie et d’érudition. C’est un texte précurseur, mais c’est aussi un texte qui ne se prend absolument pas au sérieux.

Pourquoi passer par un financement participatif ?

L’objectif premier du financement participatif est de nous donner la trésorerie nécessaire pour financer l’impression des livres mais aussi pour lancer d’autres projets et d’une manière générale pour assurer tous les frais liés au fonctionnement. Aujourd’hui, le premier objectif est atteint, mais pas les suivants. Si la campagne fonctionne vraiment bien, elle pourrait aussi nous permettre de commencer à rentrer dans nos frais de création éditoriale (traduction, maquette, etc.).

Le financement participatif nous permet également de proposer des choses ambitieuses comme l’édition luxe du livre, qui coûte très cher à produire et qui serait impossible à proposer en librairie.

Enfin cette campagne est aussi pour nous une occasion de nous faire connaître.

Nous avons voulu faire de cette campagne de lancement un évènement particulier, en proposant également aux contributeurs une affiche exclusive, réalisée par Laurent Durieux, autour des machines à voyager dans le temps qui ont marqué la pop culture. On y retrouve la DeLorean de Retour vers le futur, le Tardis de Doctor Who, le Chronoscaphe de Blake & Mortimer et la superbe machine de l’adaptation au cinéma de La Machine à explorer le temps de 1960.

Quels sont les projets à venir ?

Je préfère toujours éviter de trop parler de projets tant qu’ils sont loin d’être concrétisés. Je resterai donc assez vague.

Nous avons fait traduire un court roman d’un mathématicien anglais de la fin du 19e siècle. C’est un texte très différent de L’Anachronopète, beaucoup plus dans l’esprit du fantastique anglais de l’époque, mais qui a pour point commun d’être précurseur de la science-fiction et notamment d’anticiper H. G. Wells, mais également de comprendre un épisode chinois. C’est un texte également très surprenant en ce qu’il semble annoncer aussi bien Einstein que la psychanalyse.

Nous travaillons également sur un roman du milieu du 20e siècle, dont l’auteur reste un mystère. Sans entrer à proprement parler dans ce qu’on appellerait les littératures de l’imaginaire, c’est une sorte de cauchemar, une errance hallucinée et sordide dans le Berlin de l’après-guerre. Un livre aussi éprouvant que fascinant.

Nous avons également des projets en lien avec le merveilleux-scientifique, c’est-à-dire l’ancêtre français de la science-fiction, le chaînon manquant entre Jules Verne et la science-fiction si vous voulez. C’est un corpus que l’on commence à redécouvrir depuis peu. Le format que nous envisageons est très original et nous enthousiasme beaucoup.

Nous avons également en préparation un livre sur le cinéma.

Du succès de notre campagne de financement participatif dépendra beaucoup la vitesse à laquelle nous pourrons éditer ces ouvrages.

 

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